La Belgique, le pays le plus fliqué d'Europe?
Dans un post récent, j'essayais de montrer l'impasse dans laquelle se trouve les politiques actuelles de sécurité. J'y affirmais entre autre que celles-ci, au lieu d'être animées de la vision humaniste de Victor Hugo (Ouvrir une école, c'est fermer une prison), semblent guidées par la politique "engager des policiers, c'est licencier des professeurs." Bien entendu, cette formule est simpliste mais elle cache certains éléments de la réalité. Lesquels?
Le titre de cette article pose une question: La Belgique, le pays le plus fliqué d'Europe? Alors quelle en est la réponse? Un membre de Comac m'a fait découvrir les statistiques des Nations Unies (ONU) sur la question et a réalisé quelques calculs. Résultats?
La Belgique est LARGEMENT au-dessus de la moyenne euopéenne du nombre de policiers pour 100.000 habitants (voir tableau ci-dessous). Elle est dans le top 4 européen. Très loin devant les Pays-Bas, la France, la suède, la Finlande,... Comme quoi, en comparaison avec les autres pays européens, la Belgique ne manque pas vraiment d'hommes en bleu...
| Nombre de policiers par 100.000 habitants | |
1 | Italie | 559 |
2 | Portugal | 449.8 |
3 | Grèce | 372.3 |
4 | Belgique | 357.5 |
5 | Irlande | 306.8 |
6 | Autriche | 305.1 |
7 | Allemagne | 303.2 |
8 | Luxembourg | 294.4 |
9 | Espagne | 292.8 |
10 | Royaumes-Unis | 257.6 |
11 | Pays-Bas | 212.3 |
12 | France | 211 |
13 | Danemark | 192.1 |
14 | Suède | 181 |
15 | Finlande | 160.1 |
| MOYENNE | 297 |
(*) Sources et méthodologie: voir plus bas
0°) Est-ce que toutes les moyennes se valent? La Belgique est dans le top européen du nombre de policiers par habitant. Elle est largement au-dessus de la moyenne. Dans l'enseignement, la Belgique est aussi dans la moyenne et la plupart des partis politiques utilisent cet argument pour dire qu'il ne faut donc pas investir plus (comme si c'était mauvais de faire plus que la moyenne en ce qui concerne l'enseignement). Quand il s'agit de la police, la plupart des partis "oublient' cet argument. Apparemment, on n'en fait jamais en matière de police...
1°) Plus de flics = pays plus sûrs? Malgré ces chiffres, la plupart des partis affirment qu'il faut encore plus de bleu dans les rues. Pourtant c'est complètement absurde. Il n'y aucune corrélation (aucun rapport) entre le nombre de policiers et la sécurité du citoyen. L'Italie serait-elle le pays le plus sûr d'Europe?
2°) Plus de flics ou plus de profs? Le PS réclame 3000 gardiens de la paix supplémentaires dans les rues. Les autres partis s'orientent également dans cette voie sans issue. Mais combien de partis réclament plus d'argent pour l'enseignement dans le but, par exemple, d'engager 3000 professeurs et éducateurs supplémentaires? Combien de parti s'engagent-ils pour réclamer un refinancement fédéral des Communautés pour garantir des écoles de qualité, des petites classes, des bonnes infrastructures,... Tout ceci n'est-il pas nécessaire pour donner envie d'aller à l'école, pour avoir un filet scolaire serré face au décrochage scolaire? Tout ceci ne constituerait-il pas des éléments déterminants pour une politique de long terme qui éviterait à de nombreux jeunes de sombrer dans la délinquance et "d'accrocher" à l'école?
3°) Est-ce un hasard que les 3 pays qui consacrent le plus de moyen à l'enseignement sont ceux qui ont le moins besoin d'investir dans la police?
4°) Spécificité belge? Certains prétendent que la Belgique a besoin de beaucoup de policiers car elle se trouve au coeur de l'Europe, qu'elle est un pays de passage. Les Pays-Bas, l'Allemagne, la France ont-ils une place moins centrales au niveau du trafic? La France est, par exemple, le pays le plus touristique d'Europe. Il y en donc du passage dans le pays de Voltaire. Pourtant, il y a 40% de policier en moins par habitant.
Avant de conclure cet article, je voulais l'illustrer d'un dernier exemple. Vendredi 11 mai au matin, je lis dans le journal Le Soir que la veille, les métro bruxellois ont connu une grande opération de "sécurisation", notamment "pour lutter contre le décrochage scolaire". "Tout a commencé vers 9 heures, commente le commissaire divisionnaire Jacques Deveaux. Ce premier volet de l'opération portait sur le décrochage scolaire. Dès que nous voyons un jeune en âge de scolarisation, nous lui demandons ses papiers et nous vérifions son journal de classe. Nous contactons son école, nous avisons le magistrat de la Jeunesse et nous dressons un PV." (Le Soir, vendredi 11 mai 2007). J'étais particluièrement choqué. aujourd'hui la police sert... à vérifier les journaux de classe!
Le soir même, je vais visionner un reportage réalisé entre autre par Dirk De Block (qui est candidat à Bruxelles avec moi sur la liste PTB+ - dernier suppléant - http://bhv.ptb.be) sur l'enseignement et la sélection sociale qui s'y déroule: "bruxellois en classe(s)". Au cours de cette soirée, je rencontre un prof qui me dit que sa direction a fait inscrire plein d'élèves en début d'année dans le but d'avoir plus d'argent pour l'école. Résultat? "le décrochage scolaire y est massif. Nous manquons de profs et d'éducateurs pour suivre individuellement chaque jeune et pouvoir ainsi le remettre dans le parcourt."
Quelle conclusion tirer de cette histoire?
>> Soit on continue à sous-financer l'enseignement et on crééra ainsi des situations justifiant l'augmentation du nombre de policier pour vérifier les journaux de classes. Mais alors pourquoi ne pas directement demander au policier de donner cours et de surveiller la cour de récréation?
>> Soit on change son fusil d'épaule et on prend comme point de départ l'éducation des enfants et des solutions durables à la délinquance. dans ce cas là on investit, on investit et réinvestit dans l'enseignement. C'est un choix de société.
A bientôt,
Benj
PS: pour ceux qui voudrait m'interpeller en disant que je vis dans le monde des rêves et qu'on aura toujours besoin de policiers, je leur répond que l'article ne pose pas la question de la suppression de la police. Il s'agit des priorités que l'ont se fixent non pas pour tromper les gens mais pour apporter des solutions durables à leurs problèmes...
>> Source des données :
United Nations Surveys on Crime Trends and the Operations of Criminal Justice Systems.
http://www.unodc.org/unodc/en/crime_cicp_surveys.html
>> Note méthodologique:
Pour obtenir des données pour toute l'UE, il a fallu utiliser plusieurs "vagues" (= années) d'étude différentes. La comparabilité des chiffres en est donc quelque peu altérée (les chiffres les plus récents datent de 2002, le plus ancien de 1997) : toutefois, on ne doit pas s'attendre à des variations faramineuse des résultats d'année en année, ce qui confère une bonne fiabilité à la moyenne réalisée.